Méhémet-Ali, khédive (mot persan désignant un vice-roi) d’Égypte,
rempart oublié de l’islam contre le
terrorisme
(ce tableau n'est pas une représentation car, comme
chacun sait l'islam prohibe les représentations)
Comment l’islam avait vaincu le
terrorisme
C’est
une affaire entendue. Les auteurs des attentats du 13 novembre sont des
musulmans qui se seraient « radicalisés ». Autrement dit le
wahhabisme, qui est la doctrine qui historiquement inspire les
« terroristes » (les frères musulmans n’en sont qu’une branche et le
salafisme un euphémisme) devient dans la description qu’en donnent les
politiques et leurs chroniqueurs journalistes un mouvement de retour aux
fondements de l’islam. Nos compatriotes mitrailleurs du 13 novembre ne
pécheraient finalement que parce qu’ils sont plus musulmans que les autres.
Le
discours historique, un discours historique débarrassé de toute ingérence
étatique, n’a jamais été aussi nécessaire. L’historien honnête est devenu persona non grata dans nos universités
et a fortiori dans les rédactions. Il a
été remplacé par des enseignants amnésiques qui à force de présenter l’islam
comme le problème – même s’ils évitent de le stigmatiser pour ne pas être taxés
d’islamophobie – rendent inconcevable cette vérité historique qu’il ait pu être la
solution.
Or,
n’importe quel croyant, qu’il soit sunnite ou chiite, sait que le wahhabisme,
pseudo-salafisme, qui arme le terrorisme dit islamiste, est une hérésie. Il n’y
a rien de traditionnel, de fondamentaliste dans cette doctrine moderniste professée
par Mohammad ibn Abd al-Wahhâb (1703-1792) qui apparaît tardivement au XVIIIe
siècle, époque de toutes les nouveautés en Orient comme en Occident.
Les
musulmans qui possèdent quelques rudiments d’histoire de leur religion (ils
sont, hélas, encore moins nombreux que les chrétiens savent d’où vient la leur)
connaissent ce fragment d’Al-Bukhâri qui prédit que « du Nedjd se lèvera la corne de satan ».
Mohammad Al-Bukhârî est l’auteur du Sahih al-Bukhari, « l’authentique
d’Al-Bukhârî » (recueil de 7275 hadiths considérés comme les plus
authentiques avec ceux de Muslim par les musulmans orthodoxes.
Contrairement
à ce que laissent entendre les pieds-nickelés qui nous tiennent lieu
d’enquêteurs ces jours-ci, les frères des terroristes ne sont pas toujours les
plus parfaits des suspects. On doit notamment le néologisme de wahhabisme (wahabiyya
en arabe) à Souleyman ibn Abd al-Wahhâb, c’est-à-dire au propre frère de
Mohammad ibn Abd al-Wahhâb, qui n’avait pas inventé ce terme pour soutenir la
doctrine de son frère mais pour la dénoncer dans un livre intitulé Les
foudres divines réfutant le wahhabisme (Al-sawaiq al-ila-hiyya fi
al-radd ala al-wahabiyya). Ajoutons que le frère comme le père de Mohammad
était tous les deux des oulémas respectés de l’école hanbalite, la plus austère
des quatre écoles juridiques de l’islamisme, ce qui signifie que même les
musulmans les plus rigoristes rejettent les wahhabisme que l’on peut donc considérer
comme une hérésie schismatique. Certains savants musulmans vont jusqu’à
désigner Abd al-Wahhâb sous le terme de dajjâl,
« l’imposteur » qui est dans les hadiths l’équivalent de l’antéchrist
dans l’eschatologie chrétienne.
Le
mot wahhabisme apparaît en Occident dès
1803 sous la plume du consul de Russie à Istanbul, Andreï Iakovlévitch
Italinski lorsque les Saoudiens après avoir pris Taïf seront aux portes de La
Mecque.
L’essor inouï du wahhabisme repose sur l’alliance
entre le théologique et le politique qui est encore aujourd’hui la grande
force – la manne pétrolière n’étant
qu’un moyen – de l’État terroriste saoudien qui est l’ennemi que nous ne
voulons pas nommer pour ne pas avoir à faire la guerre à nos nouveaux amis
terrorites au Levant après avoir trahi nos alliés historiques libanais, syrien,
irakien et iranien.
En
plein siècle des Lumières, après ses études à La Mecque et un voyage en Irak et
en Iran, Mohammad Ibn Abd Al-Wahhâb était rentré à son village d’Uyayna, oasis
du Nedj à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Riyad. Nul n’est
prophète en son pays et après avoir infligé à ses concitoyens ses prêches
puritains, il fut chassé de son village natal. Il se rendit dans l’oasis d’Ad-Diriyah,
à une demie journée de marche vers le sud. Là, l’émir local, Mohammad Ibn
Saoud, écouta son discours délirant sans se préoccuper s’il était conforme à
l’islamisme puisqu’Abd Al-Wahhâb ne cesse dans son Kitab at tawhid de citer les hadiths sans que le rapport avec ce
qu’il affirme soit toujours convaincant. En 1744 (deux ans après la représentation à la
Comédie française de la pièce de Voltaire Le
Fanatisme ou Mahomet !), il conclut avec lui un pacte qu’il scelle en
lui donnant sa fille en mariage. La famille Saoud devient le bras armé de la
réforme islamiste. L’alliance « du sabre et du goupillon » bédouin permet
d’unifier les tribus arabes et Mohammed Ibn Saoud devient l'imam du premier État
saoudien et promet de transmettre cette fonction de l’imanat à ses descendants.
Le
grand paradoxe de l’hérésie wahhabiste est que c’est en détournant la pierre de
touche de l’islamisme, le tahwid,
l’unicité divine qu’elle s’attaque à la civilisation islamique. Elle n’en
leurre que plus aisément les savants Cosinus, tels le professeur Huntington qui
croient pouvoir parler des civilisations sans pensée théologique, réduisant les
religions à des faits culturels à la manière de Weber.
Comme
la plupart des fausses doctrines, la schizophrénie wahhabite repose sur une
poétique. La figure privilégiée de cette poétique est la métonymie puisque
Mohammad ibn Abd al-Wahhâb voit le chirk[1]
partout. Il a raison au nom de la tradition de stigmatiser les faux dieux (tâghoût) et de suivre le Coran qui
commande « Adorez Dieu et ne lui donnez quelque associé que ce soit »
(4 :36) mais sa doctrine devient hérétique dès lors qu’elle assimile au chirk des pratiques validées par cette même
tradition. En effet pour Abd al-Wahhâb « Adresser un vœu à quelqu’un
d’autre que Dieu est […] une forme de chirk[2] […] ;
« ne travailler pour la vie présente est une forme de chirk[3]
[…] Il est chirk de chercher refuge
auprès de quelqu’un d’autre que Dieu[4] ».
Le wahhabisme condamne « L’exagération donnée aux tombes des saints fait
de ceux-ci des idoles adorées à la place de Dieu[5] »
En vertu de quoi, le wahhabisme prohibe le tawassoul,
qui consiste à demander l’intercession d’un prophète ou d’un saint auprès de
Dieu.
C’est
l’assimilation métonymique au chirk
du culte des saints qui va inspirer le vandalisme anti-civilisationnel des
hordes wahhabites. La doctrine, on le voit, n’a rien de fondamentaliste
puisqu’elle avance en détruisant les fondements.
En matière de manipulation, le wahhabisme défie
toute concurrence car il ne pratique pas par retouche de l’islam mais par sa
destruction pure et simple en commençant par tous les vestiges de la
civilisation islamique. On sait qu’Ibrahim-Abraham renversa les idoles de pierre
mais il s’agissait bien d’idoles païennes alors que le wahhabisme transfère
cette rage à l’héritage islamique.
La principale raison pour laquelle les Saouds ne
sauraient être instrumentalisés par la théorie du choc des civilisations, chère
autant à Manuel Valls qu’à Nicolas Sarkozy, est qu’ils ne doivent leur
rayonnement politique qu’aux interventions de l’Occident. Avant les Américains
et les Britanniques, les Saouds profitèrent d’abord de l’expédition d’Egypte.
Comme le note Benoit-Méchin dans sa biographie d’Ibn-Séoud, l’essor des Saouds
« avait été grandement facilité par la présence des troupes françaises au
Caire, de 1798 à 1801. Durant ce temps, les Turcs, paralysés, n’avaient pas osé
réagir et même après l’évacuation de l’Égypte, ils étaient restés sur le
qui-vive, redoutant un nouveau débarquement des généraux napoléoniens[6]. » Benoist-Méchin reste étonnamment muet sur les
attentats wahhabites à l’égard de la civilisation islamique et sur leurs motivations
religieuses. Il eût pourtant été utile de se pencher entre les singulières
affinités qui se sont nouées entre le dernier représentants du jacobinisme
profanateur d’édifices religieux — mais qui au moins ne se disait pas chrétien
quand la dynastie wahhabite se prétend musulmane — et le premier représentant
du vandalisme anti-islamique. Les Français d’aujourd’hui ne connaissent que
Lawrence (dont Malraux citait sans cesse des paroles qu’ils prétendait avoir
recueilli de sa bouche alors qu’il ne s’étaient jamais rencontrés) mais ils
ignorent qu’il eut un précurseur en la personne de Jules Lascaris de Vintimille
aussi baroque que le palais qui porte le nom de sa famille à Nice. « Né en
Piémont, d'une de ces familles grecques venues en Italie après la conquête de
Constantinople, M. de Lascaris était chevalier de Malte lorsque Napoléon vint
conquérir cette île. M. de Lascaris, très jeune alors, le suivit en Egypte, s’attacha
à sa fortune, fut fasciné par son génie[7]. »
Lascaris devint un agent secret de Napoléon dont la mission commença en 1799
avec l’expédition d’Égypte. Ils se faisait passer pour un bédouin et vécu
pendant des années comme tel recueillant des renseignements pour Bonaparte avec
le même projet que celui de Lawrence plus tard d’unifier les tribus arabes
contre les ottomans. Ce dessein correspondait parfaitement à celui des Saoud
dont il finit par gagner la confiance. Le secrétaire arabe de Lascaris, Fathallah
Al-Sayegh, écrira des notes que Lamartine récupéra et fit traduire lors de son
voyage en Orient.
On
sait que pour Lamartine Bonaparte « était l’homme de l’Orient et non l’homme
de l’Europe[8]. ».
D’après Lamartine, Lascaris jugeait « que le plus grand œuvre à accomplir
par son héros n’était peut-être pas la restauration du pouvoir en Europe, œuvre
que la réaction des esprits rendait nécessaire, et par conséquent facile; il
pressentait que l’Asie offrait un plus vaste champ à l'ambition régénératrice
d’un héros ; que là il y avait à conquérir, à fonder, à rénover par masses
cent fois plus gigantesques ; que le despotisme, court en Europe, serait
long et éternel en Asie ; que le grand homme qui y apporterait
l’organisation et l’unité ferait bien plus qu'Alexandre, bien plus que Bonaparte
n'a pu faire en France. Il paraît que le jeune guerrier d'Italie, dont l’imagination
était lumineuse comme l’Orient, vague comme le désert, grande comme le monde,
eut à ce sujet des conversations confidentielles avec M. de Lascaris, et lança
un éclair de sa pensée vers cet horizon que lui ouvrait sa destinée[9]. »
Les
wahhabites ont profité de ce rêve de l’aigle pour faire irruption sur la scène
de l’histoire non pour organiser et construire mais pour dévaster et razzier. Le
déchaînement de l’hérésie wahhabite a commencé par le pillage et de la profanation
de Kerbala, ville sainte du
chiisme, en 1801 mais preuve que le wahhabisme ne s’inscrit pas dans les
clivages traditionnels de la fitna, ils
commirent les mêmes exactions à La Mecque et à Médine de 1803 à 1806 alors que
le soleil d’Austerlitz se levait sur « l’homme de l’Orient » qui
avait choisi de faire couronner empereur en Occident plutôt qu’en Mésopotamie.
A Médine, les vestiges civilisationnels de l’islamisme ont été
systématiquement détruits. Les armées wahhabites ont rasé le Baqi cimetière qui
contenait les restes des salafs10]de l’islam, preuve que le soi-disant fondamentalisme wahhabisme s’attache à
détruire les fondements de l’islamisme plutôt qu’à les restaurer. Les mosquées
ont également été visées et, sacrilège des sacrilèges, la tombe du prophète Mahomet
elle-même a failli être démolie.
Les
Saouds ne sont à la Mecque que depuis 1750. Avant, les territoires sacrés
étaient sous l’autorité religieuse de la descendance du Prophète et sous
l'autorité politique et administrative de la Sublime porte. On pratiquait alors
librement les mawâlîd (célébration de
la naissance du Prophète) dans la mosquée sacrée et on visitait sans restriction
le tombeau du Prophète. L’héritier des Saouds fracassa lui-même les statues érigées
dans la grande mosquée de La Mecque par les chérifs, descendants du prophète,
qui gardaient traditionnellement les lieux saint. Ils furent traités d’idolâtres
et plusieurs dizaines de corps de métiers furent interdits car considérés comme
chirk.
Dès
l’origine le but de guerre du wahhabisme, que l’Université et la presse
assimilent à “l’islamisme” ou “l’islam radical”, est la destruction de la
civilisation islamique. Cette destruction n’est pas une métaphore. Elle est
physique. Il vise à effacer toute trace qui permettrait aux archéologues de
recueillir des données scientifiques sur le véritable islamisme des origines. A
ceux qui douterait de l’ampleur de la guerre menée par les wahhabistes contre
la civilisation islamique voici l’inventaire non pas des monuments historique
entretenus par les actuels gardiens des lieux saints mais des destruction réalisées
par la secte depuis l’alliance d’Abd-al-Wahhâb avec la dynastie saoudienne à
côté desquels l’acharnement de l’État islamique sur les idoles païennes de
Palmyre fait figure d’aimable apéritif.
Les mosquées :
La
mosquée de la tombe de Hamza ibn Abd al-Muttalib, l’oncle du Prophète ; la
mosquée de Fatima Zahra, la fille du Prophète ; la mosquée d’al-Manaratain ; la
mosquée et la tombe d’Ali al-Ouraydhi ibn Ja’far as-Sadiq ; quatre mosquées de
la Bataille du Fossé à Médine ; la mosquée d’Abou Rashid ; la mosquée Salman
al-Farsi à Médine ; la mosquée Raj’at ash- Shams, à Médine.
Les tombeaux et cimetières :
Jannat
al-Baqi à Médine qui aurait été entièrement rasé ; Jannat al Mu’alla, l’ancien
cimetière de La Mecque ; tombeau de Hamida al-Barbariyya, la mère de l’imam
Musa al-Kazim ; tombeau d’Amina bint Wahb, la mère de Mahomet, qui fut détruit et
brûlé en 1998 ; tombeau des Banu Hashim à La Mecque ; tombeaux de Hamza et
d’autres martyrs de la bataille d’Uhud ; tombeau d’Ève à Djeddah, scellée avec
du béton en 1975 ; la tombe de Abdullah ibn Abd al-Muttalib, le père de Mahomet,
à Médine.
Les sites religieux historiques :
Un
bâtiment a été construit au xxie
siècle sur la maison où serait né Mahomet en 570 ; Après sa redécouverte
pendant les travaux d’extension de La Mecque en 1989, la maison de Khadija,
première femme de Mahomet a subi le même sort ; la maison de Mahomet à Médine
où il vécut après son départ de la Mecque ; la première école islamique (Dar
al-Arqam) où Mahomet enseigna sa religion, a disparu aujourd’hui sous l’extension
de la mosquée Masjid Alharam de La Mecque. En 1994 le mufti Abdelaziz ibn Baz,
plus haute autorité religieuse du régime wahhabite, lance une fatwa stipulant qu’il
« n’est pas permis de glorifier les bâtiments et les sites historiques ». De
tels rites sont considérés comme chirk
parce que, comme le prétend Abd al-Wahhâb, ils conduisent au polythéisme. Entre
cinq cents et six cents mausolées et d’autres monuments de l’islam des origines
ont été démolis. Il a été estimé que 95 % des bâtiments datant de plus de mille
ans ont été rasés durant les vingt dernières années.
En
1994 le mufti Abdelaziz ben Baz, plus haute autorité religieuse du régime wahhabite, lance une fatwa stipulant qu’« il n'est pas
permis de glorifier les bâtiments et les sites historiques ». De telles rites
sont chirk comme le prétend
Abd-al-Wahhâb et conduisent au polythéisme. Entre 500 et 600 mausolées et d’autres
structures de l'islam des origines ont été démolis. Il a été estimé que
95 % des bâtiments datant de plus de 1000 ans ont été rasés durant les 20
dernières années.
Terminons
sur l’histoire de l’expansionnisme wahhabite.
Sachant que la “résignation”, voire plutôt la
“soumission” que l’on attribue péjorativement aux musulman est purement
spirituelle, l’oumma[11]
n’était pas disposée à laisser l’hérésie se propager. Dès le milieu du XVIIIe siècle
à la Mecque, les muftis des quatre écoles de droit sunnites avaient composé une
réfutation contre « l’égaré qui égare » intitulée le livre de la
prévention de l’égarement et de la répression de l'ignorance. Le chiisme se joignit au mouvement et pas
seulement en Perse puisque les chiites zaïdites au Yémen et jafarites en Irak dénoncèrent également
l’hérésie.
L’enlisement
de Napoléon en Russie face au général hiver en 1812 allait mettre un terme à
l’inaction des Ottomans face aux wahhabites. Assuré de la débâcle des Français
en Russie, qui écartait la perspective d’une invasion française par le nord, le
sultan Mahmud II ordonna au Khédive (vice-roi) d'Égypte Méhémet-Ali d'envoyer une armée en Arabie pour écraser la
sédition saoudienne.
Face
à l’obscurantisme saoudien, Méhémet-Ali va tirer les leçons de l’expédition
d’Égypte de Bonaparte, non pas pour sombrer dans un folklore identitaire
passéiste mais, au contraire, pour ouvrir l’Égypte à l’influence française. Le projet du canal
de Suez, entre autres, a été conçu sous son règne
Ce
dernier nomma son fils Ahmed Toussoune Pacha âgé de 17 ans seulement, comme
général commandant la première campagne militaire, qui embarqua ses troupes à Suez pour s’emparer du
port de Yanbo sur la rive orientale de la mer Rouge. « Séoud réagit avec
vigueur et obligea son adversaire à s’enfermer dans Yenbo. Méhémet-Ali monta
alors une seconde expédition et prit lui-même la direction des opérations.
Cette campagne n’eut guère plus de succès que la précédente[12]. »
Alors que Méhémet-Ali était sur le point de renoncer, le troisième imam Saoud
ben Abdelaziz ben Mohammed fut tué accidentellement sous les murs de Taïf,
ville que les Wahhabites avait ravagée, avec une cruauté et une impiété inouïe,
et qu’ils défendirent bec et ongle contre les Ottomans. Séoud laissait douze
fils inaptes au gouvernement et le « pouvoir passa aux mains de son oncle
Abdallah, personnage falot et pusillanime, bien incapable de gouverner l’Arabie
dans des circonstance aussi critiques. Méhémet-Ali reprit l’offensive et ne
tarda pas à marquer des points sur son adversaire. Après une série de combats
meurtriers, il délivra Taïf et vainquit les Wahabbites à Koulakh, près de
Gonfodah (10 janvier 1815). »
Mais ce ne fut pas le Waterloo des Saouds car Abdallah ne respecta pas les
clauses draconienne du traité conclu avec Toussoune Pacha.
Une
troisième expédition égyptienne fut donc envoyée en Arabie en 1816, commandée par Ibrahim Pacha, autre fils
du Khédive. Après dix-huit mois de campagne, l’armée égyptienne soumis le Nedjd
détruisit la capitale Dariya le 3 septembre 1818. Elle captura l'imam
Soulaymân petit-fils de Mohammed ben Abdelwahhab, qui fut fusillé, et Abdallah
ibn Saoud, qui fut envoyé au sultan Mahmoud II. Ce dernier le fit décapiter et
exposa son corps sur la place publique à Constantinople. L’empire ottoman
retrouvait la tutelle des villes saintes dont les monuments furent
reconstruits. L’oumma avait donc
réussit à terrasser la barbarie wahhabite à une époque ou personne n’imaginait
qu’il puisse menacer une autre civilisation que la civilisation islamique.
L’imam
Tourki ben Abdallah Al Saoud réussit à créer en 1824 le deuxième État
wahhabite avec Riyad pour capitale. La famille rivale des Al-Rachid profita des luttes fratricides
au sein du clan Al-Saoud pour mettre fin à ce deuxième État et s’emparer du
pouvoir à Riyad avec l’aide des Turcs en 1892.
Comment nos avons remis en selle
le terrorisme en Arabie
L’empire
britannique, qui souhaitait voir le départ du “vieil homme malade de l’Europe”
de la péninsule arabique, repris la stratégie que Bonaparte avait esquissé avec
Lascaris. On connaît les exploits du colonel Lawrence qui n’est pas un loup
aussi solitaire qu’entend nous le faire croire le fameux film de David Lean.
Chassé
par la lignée vassale des Al-Rachid alliée aux Turcs, Le prince de la dynastie
wahhabite de Riyad, Abdelaziz ben Abderrahman ben Fayçal Al-Saoud avait grandi en
exil à la cour du Koweït. Âgé seulement de 22 ans il se proclama roi du Nedjd
et Imam des Wahhabites en 1904. il reprit Riyad puis tout le Nedjd entre 1902 et 1912.
On
se souvient de la scène du film de David Lean, Lawrence d’Arabie où l’on voit les cavaliers arabes conquérir par
une charge de cavalerie éclair le port d’Aqaba en venant de la terre alors que
les canons turc sont tournées vers la mer. Or, ces fougueux cavaliers bédouins
ne sont pas saoudiens. Connus en Occident sous le nom incongru de “légion
arabe”, ce sont des hachémites commandés par Fayçal ibn Hussein, un des fils
d’Hussein ibn Ali, chérif de La Mecque. Il représentent donc l’orthodoxie
sunnite et non pas l’hérésie wahhabite. Le projet d’Hussein était de créer un
royaume arabe unifié qui engloberait le Hedjaz, la Jordanie, l’Irak et le
Syrie. Lawrence s’opposa à ce projet au motif que la couronne britannique avait
besoin de morceler le Moyen-Orient pour mieux régner sur la région et protéger
la route des Indes. L’Occident réactiva une fois de plus la fitna, mais cette fois-ci entre Arabes,
et remit en selle Al-Saoud à qui on promit toute la péninsule arabique. Il
chassa définitivement les chérifiens de la Mecque avec la bénédiction des
Britanniques. En 1920, Damas ayant été reprise au hachémites par une colonne française et la
Grande-Bretagne ayant reçu un mandat de la SDN pour administrer l’Irak, il ne
resta plus pour Hussein que le lot de consolation de la Jordanie.
En
1925, les insatiables compagnons d'Abdelaziz Ibn Saoud, ayant désormais les
mains libres, se livrèrent à de nouvelles destructions dans les villes saintes.
Á La Mecque, ils démolirent
les tombes de la famille du prophète Mahomet ; à Médine ils poursuivent la
profanation des mausolées des premiers chefs chiites (ces ravages sont
commémorés annuellement encore aujourd’hui par les chiites, qui, contrairement
à nos professeurs d’histoire des civilisations, n’ont pas la mémoire courte).
Ibn Saoud se fera couronner roi d’Arabie à La
Mecque en 1926 après avoir envahi le royaume du Hedjaz fondé par les hachémites
en 1918 et avant d’établir celui du Nedjd en mai 1927, qu'il réunit le 22 septembre 1932 pour créer le
troisième Royaume d’Arabie saoudite.
Mais ce qui va assurer un pouvoir définitif à la
théocratie saoudienne c’est l’alliance avec la plus grande puissance de la civilisation
occidentale, l’Amérique. Les gisements pétrolifère d'Arabie ont commencé à être exploités partir de mars 1938
et la Seconde Guerre mondiale ne tardera pas à faire comprendre à nos stratèges
qu’une guerre moderne ne se gagne pas sans le contrôle des puits de pétrole. Acte fondateur de l’alliance entre le
puritanisme américain et l’intégrisme saoudien, le pacte, « pétrole contre
protection » signé le 14 février 1945 sur le porte-avion Quincy entre
Roosevelt et Ibn Séoud garantit la stabilité et la protection militaire à la
monarchie saoudienne en échange d’un approvisionnement en pétrole de l’Amérique
à travers le monopole de la société Aramco (Arabian American Oil Company). Ce
pacte était valable pour soixante ans. Il a été renouvelé en 2005. La
manne pétrolière permet aux Saouds de financer la propagande en faveur du
wahhabisme, sous ses différentes formes dites aujourd’hui “salafistes” pour ne
pas nommer la maison-mère (de même qu’on appelle nazis, les nationaux-socialistes pour garder immaculé le mot socialistes). Le but avoué des Saouds
est d'imposer le wahhabisme d’abord à l'ensemble des nations musulmanes et ensuite
au monde entier. De nombreux musulmans sont ébranlés par le flots d’images
déversé par les sites internet et les télévision wahhabites et ne font plus la
différence entre le bon grain ou l’ivraie, entre l’hérésie et l’orthodoxie. Les
mosquées se multiplie alors qu’un musulman orthodoxe n’a pas besoin de mosquée,
ni d’autre médiation entre Dieu et lui. La prière musulmane se pratique avec sincérité
et surtout sans ostentation.
Le seul pacte du Quincy ruine les élucubrations
du professeur Huntington car il s’agit bien non pas d’un choc de civilisation
mais d’une alliance de civilisation entre une puissance occidentale et une
puissance orientale qui donne le ton de la géopolitique au Proche-Orient. Tant
que la France reste dans l’orbe de cette alliance au Levant, elle ne peut
prétendre sérieusement conduire une « guerre ». On ne fait pas la
guerre à des groupes armés mais à des États-nations. Nous ferons grâce au
lecteur d’un rappel des conditions du développement du terrorisme
« islamiste » dans les années 80 pour l’instrumentaliser contre le
communisme soviétique. Ces faits sont connus. L’intégrisme n’est donc pas un
phénomène interne à l’islam mais suscité de l’extérieur par des puissances
étrangères à l’islam orthodoxe. Le fait que le wahabbisme soit devenu
aujourd’hui un golem incontrôlable ne dispense pas la France du devoir de
sanctionner ses créateurs saoudiens et américains.
Ce que la France
pourrait faire pour tenter de faire reculer le terrorisme
Pour
peu que la France, zombifiée par le messianisme américain et le wahabbisme
saoudien, sorte de son amnésie neurasthénique, il lui reste suffisamment de
souveraineté pour commencer à combattre le terrorisme qu’elle a laissé
complaisamment se développer sur son sol pour ne pas fâcher ses puissants alliés
et même si ce n’est peut-être qu’un dernier baroud d’honneur avant la
vassalisation totale.
L’ex-Président
de la république Nicolas Sarkozy en sortant de sa rencontre avec le Président
Hollande à l’Élysée a parlé « d’infléchissement » à donner à notre
politique extérieure. Chacun en convient. Les Français doivent cependant se
souvenir que la connivence de Monsieur Sarkozy à l’égard de certain pays du
Golfe, qui alimentent le terrorisme ne l’autorise plus à donner des leçon.
Rappelons qu’après avoir invité en grande pompe Bachar-el-Assad et Kadhafi en
France, il s’est acharné à devancer les désirs des néo-conservateurs américains
les plus faucons en nous poussant à abandonner la Tunisie et l’Égypte, en déstabilisant
la Syrie et en abattant comme un malfrat le seul dirigeant qui en dépit de ses
disparités tribales avait réussi à donner un semblant de souveraineté à l’État-lybien
au point qu’il eut des velléités fatales de briser le monopole du dollar pour
vendre sa production pétrolière en euro. Nicolas Sarkozy est le principal
responsable de l’ouverture des flux migratoires contre lesquels ils éructe
aujourd’hui. N’oublions pas nous plus qu’ils s’était autorisé à dégarnir nos
troupes au Mali afin de fournir une garde personnelle à l’émir d’Abu-Dhabi. Il
est loin d’être certain que Nicolas Sarkozy ait eu la lucidité de François
Hollande et de son ministre de la Défense Jean-Yves le Driand qui nous a permis
de réagir à la tentative des groupes terroristes de forcer le verrou du fleuve
Niger par la magistrale opération Serval. N’oublions jamais, quelles que soient
nos opinions politiques, que ce brillant et héroïque succès de nos troupes au
sol est à porter à son crédit. François Hollande a donc objectivement plus de
titre que Nicolas Sarkozy, qui a bradé les intérêts de la France, pour conduire
nos armées lors du prochain septennat.
Plutôt
que gesticuler en truffant tous les discours officiels de ce pétard mouillé
qu’est devenu le mot guerre voici,
pays par pays, les mesures d’urgence que notre diplomatie peut prendre pour
enfin commencer à combattre le terrorisme au lieu de continuer à le
nourrir :
Arabie Saoudite et Qatar
La première démarche consiste à nommer
l’ennemi. Puisque notre Président de la république affirme qu’on nous mène une
guerre et que c’est donc par des actes de guerre que nous devons riposter, cet
ennemi ne peut être l’État islamique, qui désigne une organisation terroriste
et non un État. Nos véritables ennemis
c’est d’abord l’Arabie Saoudite et ensuite le Qatar, qui s’il n’utilise pas les
même canaux que la maison-mère et préfère s’appuyer sur les frères musulmans se
fonde sur le même substrat hérétique que l’Arabie saoudite pour semer la
terreur.
Il
serait bien évidemment absurde de faire « la guerre » à ces deux
pétromonarchies et « frapper » Ryad ou Doha ni de nous ingérer dans
leurs affaires intérieures (il n’est pas question, dans l’immédiat, de demander
la réciprocité en matière religieuse et d’exiger que les religions juives et
chrétienne puissent être pratiquées aussi librement en Arabie saoudite que
l’islam est pratiqué librement chez nous ; nous n’avons pas de légitimité
non plus pour demander le retour de la garde de lieux saints de l’islam aux
dynasties chérifiennes : c’est aux pays musulmans de s’unir pour l’exiger).
Nous
sommes libres en revanche de lancer à ces deux pays un ultimatum qui pourrait
avoir cette tournure : « Dans un délai d’un mois l’Arabie Saoudite et
le Qatar doivent cesser leur soutien aux groupes wahhabites et à leurs diverses
déclinaisons d’obédience salafistes et frères musulmans qui opèrent contre des
États légitimes tant en Orient qu’en Occident et frappent régulièrement le
sanctuaire national français. Au bout de trente jours si le soutien persiste la
France mettra suspendra ses relations diplomatiques avec ces deux États, mettra
un terme aux privilèges et avantages fiscaux consentis à ses deux pays sur son
sol et gèlera leurs avoirs. »
Charité
bien ordonnée commençant par soi-même, il va sans dire qu’un tel ultimatum
exige que nous cessions immédiatement le soutien que nous apportons aux groupes
soi-disant rebelles modérés au Levant. Le ministre des Affaires étrangères,
Laurent Fabius, déclarait naguère que le groupe Al-Nosra, qui n’est autre que
la branche d’Al-Qaïda en Syrie, « avait fait de l’excellent
travail ». Le Quai d’Orsay non seulement doit faire amende honorable mais
doit soulever le problème de la formation de ses cadres qui œuvrent à la ruine
de l’influence française au Levant depuis plusieurs décennies.
États-Unis
Contrairement
à ce qu’avancent certains géopoliticiens, nous vivons toujours dans le monde
d’après 1945. Le monde est toujours dominé par le dollar et par la seule
hyperpuissance financiaro-militaire qui l’émet. La géopolitique n’est pas
devenue polycentrique du jour au lendemain et la France n’a pas les moyens de
figurer dans une autre alliance que l’alliance Atlantique. Il reste qu’il
s’agit bien d’une alliance et non d’une vassalité absolue. Ce qui signifie que
nous gardons une marge de manœuvre qu’il est grand temps d’utiliser. Nous
n’avons pas consulté notre grand frère américain avant de faire parler la
foudre au Mali et rien ne nous empêche, dans le même esprit, de rappeler à notre
suzerain que nous ne sommes pas liés par les accords du Quincey.
N’étant
pas pays producteur de pétrole nous n’avons pas participé à l’opération américano-saoudienne
qui a consisté à casser les prix du pétrole en 2014 afin de mettre à genou les
économies russes et iranienne. Même si
nous avons objectivement intérêt à la baisse des prix du pétrole et que ce
frémissement que nous observons sur le front de la « croissance »
n’est pas dû à une reprise mais est plutôt imputable à la chute artificielle
des prix du pétrole, nous refusons que cette baisse soit le produit d’un bras
de fer géopolitique.
Observons
que cette guerre économique ne pourra être soutenue indéfiniment. Un récent
rapport du FMI prévoit de graves problèmes budgétaires non plus seulement aux
Etats-Unis mais cette fois-ci en Arabie saoudite, pays dont le budget est traditionnellement
excédentaire mais qui semble ne plus pouvoir financer la double confrontation
qu’il a imprudemment engagé en Syrie et au Yémen.
Dans
le même esprit, nous invitons les candidats à l’élection présidentielle
américaine à mesurer les dégâts que cette guerre du pétrole a provoqué en
Amérique-même. En effet, le seul secteur qui avait enregistré une croissance
exponentielle ces dernières années, le secteur du gaz et du pétrole de schiste,
a été ruiné par la guerre du pétrole qui ne permet plus aux entreprises de
dégager une marge suffisante pour obtenir les crédits d’investissement
nécessaires à l’exploitation de pointe de cette source d’énergie.
La Turquie
Erdogan
a pu se targuer de vouloir conduire une politique néo-ottomane mais son
attitude à l’égard de la Syrie et des Kurdes montre qu’il mélange un populisme
anatolien aux pire relents du jacobinisme kémaliste. Erdogan ne sera
néo-ottoman que s’il prend ses distances avec l’ennemi traditionnel wahhabite
de l’islam ottoman et que s’il se rapproche de l’Irak et de l’Iran afin de
permettre la constitution d’un Kurdistan libre. L’Empire ottoman n’avait
rayonné dans la longue durée que parce que son centralisme était tempéré.
Erdogan
bénéficie de fonds structurels européens qu’il a utilisés pour épurer l’armée et
l’appareil d’État kémaliste au motif spécieux qu’il fallait créer les
conditions d’une adhésion de la Turquie en Europe. Mais son véritable objectif
est l’islamisation de la société et du pourtour méditerranéen. N’oublions pas
que la Turquie est la seule puissance régionale au Levant à avoir condamné
l’intervention française au Mali. Erdogan doit cesser de pratiquer un double
jeu avec l’Europe. Ce qui signifie, entre autres, qu’il doit cesser de fermer
les yeux sur le transit sur son sol des combattants venus d’Europe pour la
Syrie, faute de quoi la France serait bien inspirée de lui lancer un ultimatum
similaire à celui que nous suggérons en direction de l’Arabie saoudite et du
Qatar.
Comme
l’ont démontré les attaques du début de l’année contre la livre turque,
l’économie turque ne va pas aussi bien que le proclame l’AKP, le parti
d’Erdogan qui vient de remporter les élections législative en s’appuyant sur
une propagande belliciste. La croissance qui était de 8% est aujourd’hui tombé
à 3%. La Turquie a donc tout a gagner à rendre plus transparente ses relations
avec l’Union européenne plutôt que de caresser un rêve néo-ottomans que ses
nouvelles élites issues des plateaux d’Anatolie au lieu de l’Asie mineure sont
trop intégristes pour être en mesure de réaliser.
L’Iran
Dans
l’hérésie wahhabite, les chiites ne sont pas considérés comme des musulmans.
Nous
n’avons pas oublié que l’Iran pour punir notre soutien à l’Irak contre laquelle
elle a mené un guerre impitoyable de 1980 à 1988 a déclenché une vague
d’attentats en 1988 à Paris (attentats du Claridge et de la rue de Rennes).
L’Iran a donc pratiqué le terrorisme contre nous. Mais ce pays héritier de la civilisation
perse dans laquelle l’islam des Abbassides a su habilement se fondre n’est pas
en soi un État fondé sur la terreur contrairement à l’Arabie saoudite. La
situation a bien changé aujourd’hui car le pays légal irakien est à dominante
chiite et l’Iran n’est plus acculée à recourir au terrorisme comme dans les
années 80.
L’accord
de Vienne sur le nucléaire iranien est une chance unique qu’il faut saisir pour
prendre l’État islamique en tenaille entre la coalition qui doit se constituer
à l’Ouest autour de la Syrie, comprenant les milices chiites du Hezbollah, et
l’armée irakienne soutenue par les milices chiites à l’Est. Charge à la
communauté internationale de veiller à ce que une fois la victoire remportée,
les droits des tribus sunnites de l’Est irakien qui se sont ralliées à l’État
islamique en réaction à l’impéritie et au sectarisme du Premier ministre
irakien Nouri Kamal al-Maliki soient respectés et que les Irakiens se mettent
d’accord sur une autonomie, voire une sécession qui garantisse à la minorité sunnite
de ne plus être opprimée par la majorité chiite, ce que l’Iran est tout à fait
prête à comprendre aujourd’hui.
La Syrie
La
Syrie historique, Bilad-al-Cham,
comprenait la Syrie d’aujourd’hui, l’Irak, la Jordanie, le Liban et la
Palestine. La Syrie actuelle est issue des accords Sykes-Picot qui imposèrent
le mandat français à ce territoire jusqu’à l’indépendance en 1946.
Nous
avons donc en Syrie des responsabilités historiques, que le régime de Damas
nous plaise où non. Dans l’état actuel des choses, tout changement par un
renversement au sommet de l’État syrien serait nécessairement une victoire non
pour le camp de la démocratie mais pour celui du terrorisme wahhabite.
Les
frappes russes contre les positions dites rebelles et qui menacent directement
Damas, contrairement aux positions de l’État islamique qui se trouvent dans la
profondeur syrienne, n’ont pas permis de desserrer l’étau. Il est à craindre
que tant que ces groupes continueront à être armés puissamment par les
Américains au moyens des systèmes d’armes les plus élaborés, le front ne bougera
pas. La seule solution militaire est donc mettre en place une coalition unique
incluant le pays agressé, la Syrie et son président légitime. La question de la
transition politique ne pourra sérieusement être posée qu’une fois la paix
revenue.
Le Liban
Aucun
journaliste français n’a fait le rapprochement mais les fusillades de Paris ont
été précédées la veille, 12 novembre, de deux attentats-suicides, au mode
opératoire comparable à ceux de Paris, qui ont frappé au sud de Beyrouth le
quartier chiite de Burj El Barajneh présenté chez nous comme un
« fief » du Hezbollah. Ces attentats-suicides revendiqués par l’État
islamique ont fait 41 morts et 200 blessés.
Le
but des kamikazes était de perturber la reprise des travaux de l’Assemblée
nationale, dont la présidence, selon les termes de la Constitution libanaise
(imposée par la France au terme de son mandat sur le Liban), est dévolue à un
chiite.
Un
quartier chiite ? mais quel est donc le rapport avec la France ? Le Hezbollah
que le quai d’Orsay persiste à présenter comme une organisation terroriste est
aujourd’hui allié aux chrétiens du général Michel Aoun, donc aux
« croisés » dans la rhétorique de l’État islamique.
Depuis septembre 2015, l’Arabie saoudite préside la commission des Droits de l’homme de l’ONU. Les saoudiens utilisent ce statut par le truchement de leurs organisations humanitaires pour pénétrer dans les camps de réfugiés et prendre des mesures discriminatoires pour tous ceux qui ne sont pas de leur obédience (on sait que l'aide aux réfugiés est sélective et que les chrétiens et les chiites ne sont pas toujours logés à la même enseigne que les sunnites). Dans un pays qui accueille près de deux millions de réfugiés syriens sur 6 millions d’habitants, l’Arabie saoudite entend transformer les camps, en instruments de déstablisation du Liban afin qu’il bascule dans la nouvelle « fitna » qui sévit actuellement au Proche-Orient.
Depuis septembre 2015, l’Arabie saoudite préside la commission des Droits de l’homme de l’ONU. Les saoudiens utilisent ce statut par le truchement de leurs organisations humanitaires pour pénétrer dans les camps de réfugiés et prendre des mesures discriminatoires pour tous ceux qui ne sont pas de leur obédience (on sait que l'aide aux réfugiés est sélective et que les chrétiens et les chiites ne sont pas toujours logés à la même enseigne que les sunnites). Dans un pays qui accueille près de deux millions de réfugiés syriens sur 6 millions d’habitants, l’Arabie saoudite entend transformer les camps, en instruments de déstablisation du Liban afin qu’il bascule dans la nouvelle « fitna » qui sévit actuellement au Proche-Orient.
La France, membre du Conseil de sécurité doit se souvenir de ses
devoir à l’égard du Liban et s’élever à l’ONU contre ces pratiques.
Israël
On
sait ce que notre hostilité à l’égard de la Syrie et de l’Iran fut le lot ces
dernières années d’une complaisance à l’égard de la politique de M. Netanyahou
qui prétend défendre les intérêts israéliens en attisant les foyers de discorde
entre musulmans selon le principe divide
ut imperare à la mode chez les néo-conservateurs américains. Il convient
que la France profite des velléités de rapprochement entre la Russie et Israël
sur la question syrienne pour adopter une politique plus équilibrée.
L’Algérie
Les
Français se souviennent-ils que les massacres de chrétiens perpétrés dans les
années 1860 à Damas ne furent pas seulement arrêtés par l’envoi de
troupes françaises dans ce que Napoléon III qualifiera lui-même de
« guerre humanitaire » (sans doute la première du genre) mais aussi
et surtout grâce à médiation du héros absolu du nationalisme algérien, l’émir
Abd el-Kader ?
Cette
exemple, parmi d’autres, doit nous rappeler que les Franco-Algériens ne
représentent pas pour la plupart une menace mais au contraire une force. Si dans
ce combat contre le terrorisme nous devons faire toute la place aux nombreux
Franco-Algériens qui résident sur notre territoire c’est parce qu’ils ont une expérience irremplaçable de la guerre civile, qui se déroula en Algérie dans les années 90 et fit 200
000 morts. Cette guerre contre le FIS et son bras armé, le GIA, n’a pas été
gagnée par l’armée algérienne mais par des milices de patriotes qui furent
alors armées par le gouvernement. Le réseau Kelkal qui commit des attentats
commandités par le GIA sur notre sol est une exception. La grande majorité des
Franco-Algériens qui ont connu la guerre civile en Algérie sont loin d’avoir
exporter le terrorisme chez nous et en sont au contraire les plus farouches
contempteurs, en connaissance de cause. Les terroristes se recrutent
essentiellement chez les Français d’origine algérienne nés sur notre sol. Gageons
que si nous ne gagnons pas la guerre en Syrie et en Irak et que la guerre
civile éclate en France, le concours des Franco-Algériens patriotes sera
décisif.
Le Maroc
En
matière de lutte contre l’intégrisme, nous oublions trop souvent que nous avons
un partenaire fidèle avec le royaume chérifien. Le Maroc est un pays berbère
qui a conquis l’Espagne comme nous le rappelle le rocher de Gibraltar qui vient
de l’arabe djebel Tariq, « la
montagne de Tariq », du chef berbère Tariq ibn Ziyad qui franchit le
détroit à la tête des premières troupes musulmanes. Le Maroc est un royaume
ancestral qui ne fut jamais soumis par les Ottomans.
L’isolement
diplomatique et les critiques que lui valent dans le Golfe sa proximité avec
l’Occident et sa tolérance religieuse, qui en fait le pays oriental où les
juifs sont le plus en sûreté, l’a conduit récemment comme pour faire amende
honorable à se laisser entraîner dans la coalition « arabe » contre
le Yémen. C’est un signe de fragilité et
notre responsabilité est de conforter le Maroc dans ses options occidentalistes en ne nous contentant pas de l’utiliser comme base arrière pour nos centres
d’appel ou nos retraités. Il convient également que nos imams y soient formés.
Nous ne pouvons faire confiance à cette institution archaïque qu’est le CFCM
(conseil français du culte musulman), inspirée par le consistoire que Bonaparte
avait conçu pour contrôler la communauté juive, et qui est scandaleusement
dominé par l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), émanation des
frères musulmans.
La Tunisie
La
Tunisie que nous avons déstabilisée au moment des « printemps arabes »
reste le pays le plus proche de nos convictions sur la laïcité. Il doit donc
demeurer un partenaire privilégié. L’urgence est la défense de son flanc sud
incontrôlable depuis la chute de Kadhafi et que le renforcement de notre
coopération avec le Tchad doit contribuer à sécuriser.
Le Tchad
Le
Tchad est le seul pays d’Afrique subsaharienne qui depuis la chute de Khadafi
ait conservé des capacités opérationnelles, qui lui permettent d’être à nos
côtés dans le combat contre les bandes wahhabites qui opèrent du Sinaï à la
Mauritanie. C’est largement grâce à l’efficacité de l’armée tchadienne et à nos
bases en territoire tchadien que nous avons pu prolonger les opérations Épervier
et Serval en opération Barkhane qui vise à lutter contre les groupes armés
wahhabites dans toute la bande saharienne. Ce dispositif doit être renforcé par
la communauté internationale car nous ne disposons pour l’instant que de 3000
hommes dans cette zone livrée à toutes les turbulences. Voilà peut-être un
terrain où l’aide européenne que notre Président de la république vient de
solliciter dans son discours du 16 novembre devant le Congrès serait la
bienvenue. Cette aide sera vraisemblablement financière mais on pourrait aussi
imaginer aussi que pour tenter de contrôler les immenses zone saharienne et
sahélienne, qui est la clé des flux migratoires en Europe, que des troupes
anglaises, italiennes, voire allemandes se déploient pour prêter main forte aux
armées tchadienne et française.
Libye
La presse française s’est bien gardée de commenter la
surprenante décision du Conseil suprême des tribus de Libye qui, le 14 septembre
2015, a désigné Seif al-Islam Kadhafi comme son représentant légal. Oui, vous
avez bien lu. Un des fils du colonel, lynché avec notre complicité, est désormais
le seul représentant crédible de la Libye réelle. Cette nouvelle est
insupportable pour nos oligarchies car elle rappelle que la Libye ne saurait
retrouver une stabilité que si la communauté internationale reconnaît sa
diversité tribale incarnée dans la longue durée par ses deux pôles, la Cyrénaïque
à l’Est et la Tripolitaine à l’Ouest.
Seif al-Islam est actuellement "détenu" par les
milices de Zenten qui contrairement à ce qu’affirment nos journalistes hébétés
par le chaos lybien ne sont pas composées d’Arabes mais de Berbères. Comme le
précise l’africaniste Bernard Lugan Zenten est « un nom berbère puisqu’il
s’agit de la déformation de Z’nata ou Zénète, l’une des principales composantes
du peuple amazigh. Cette « tribu » berbère arabophone occupe une partie du
djebel (Adrar en berbère) Nefusa, autour de la ville de Zenten. »
Seif al-Islam, le fils que le colonel Kadhafi avait choisi pour
lui succéder y est traité avec tous les égards dû au rang qu’occupait son père.
Le samedi 14 novembre 2015, l’Amérique a bombardé pour la
première fois l’État islamique en Libye, lequel est essentiellement implanté à
Syrte en Tripolitaine, qui fut le foyer de la colonisation grecque dans l’Antiquité.
Ce bombardement aveugle en violation des lois internationales et aussi inutile
que les mêmes frappes de l’Amérique en Syrie et témoigne d’un souverain mépris
pour les réalités lybiennes. Si l’on veut espérer un jour mettre un terme au
chaos lybien, il ne faut pas raisonner en fonction des groupes terroristes qui
se sont infiltrés dans ce pays mais des alliances ou confédérations de tribus appelées
çoff en arabe dialectal lybien
.
Nous devons nous souvenir que le colonel Kadhafi a tenu son
pouvoir de l'équilibre qu’il avait su instaurer entre les trois grands çoff libyens,
à savoir, comme le précise Bernard Lugan, qui vient de publier une Histoire de la Libye, « la confédération
Sa'adi de Cyrénaïque, la confédération Saff al-Bahar du nord
de la Tripolitaine et la confédération Awlad Sulayman de Tripolitaine
orientale et du Fezzan à laquelle appartiennent les Kadhafda, sa tribu. De
plus, à travers sa personne, étaient associées par le sang la confédération
Sa'adi et celle des Awlad Sulayman car il avait épousé une Firkèche,
un sous clan de la tribu royale des Barassa. Son fils Seif al-Islam se
rattachant donc à la fois aux Awlad Sulayman par son père et aux Sa'adi
par sa mère, il peut donc, à travers sa personne, reconstituer l'ordre
institutionnel libyen démantelé par la guerre franco-otanienne.
Aujourd’hui, les alliances tribales constituées par le colonel
Kadhafi ont explosé ; là est l’explication principale de la situation
chaotique que connaît le pays. En conséquence de quoi, soit l'anarchie actuelle
perdure et les islamistes prendront le pouvoir en Libye, soit les trois confédérations
renouent des liens entre elles. Or, c'est ce qu'elles viennent de faire en
tentant de faire comprendre à la "communauté internationale" que la
solution passe par les tribus... Certes, mais la Turquie et le Qatar veulent la
constitution d'un Etat islamique et la justice internationale a émis un mandat
d’arrêt contre Seif al-Islam... »
La France, qui compte parmi ses libérateurs la colonne Leclerc partie du Fezzan, doit mettre entre parenthèse sa vision jacobine de la reconstruction
de la Libye si elle veut s’appuyer à nouveau sur ce pays pour combattre le
terrorisme, au sol, dans le Sahara.
L’Égypte
L’Égypte
qui nous doit le canal de Suez, semble vouloir renouer avec une amitié
traditionnelle la France dont Méhémet-Ali fut un des plus ardent
promoteur. Même si notre presse semblait avoir plus de tendresse pour la
rhétorique démocratique des frères musulmans, il n’en est pas moins vrai que
l’Égypte a toujours été dirigée depuis la régence mamelouk par des militaires.
La France au lieu de s’occuper, une fois encore de la forme du régime de cet
allié objectif dans la « guerre » qu’elle affirme vouloir mener
contre le terrorisme a tout à gagner à aider l’Égypte d’Al-Sissi, d’abord à
reprendre le contrôle de Sinaï et, ensuite à prendre toute la part qui lui
revient dans la coalition anti-terroriste en Syrie (Souvenons-nous que l’Égypte
et la Syrie n’ont formé qu’un seul pays entre 1958 et 1961 sous le nom de
République arabe unie).
Le Mali : La lutte contre le wahhabisme
au Mali ne sera efficace dans la durée que si le gouvernement malien accepte de
dialoguer avec le MNLA (Mouvement National pour la Libération de l’Azawad) qui
réclame légitimement à l’indépendance de l’Azawad, zone majoritairement Touareg
du Nord-Mali. Les tribus Touaregs, alliées de la France depuis
le XIXe siècle et qui furent les auxiliaires fidèles de l’homme du désert
qu’était Mouammar Khadafi, avaient libéré le Nord-Mali au début de l’année 2012
et proclamé son indépendance à Kidal le 6 avril 2012 avant d’être débordées par
des groupes terroristes venus d’Algérie, achetés et supérieurement armés par
les puissances étrangères que l’on sait. La France ne gardera le contrôle sur
cette zone que si elle impose au gouvernement malien une solution politique qui
cesse d’exclure nos alliés touaregs dans la région.
Le
président François Hollande a prononcé un discours ce lundi 16 novembre sur les
mesure à prendre pour contrer le terrorisme. Nous nous garderons de les
commenter car quelle que soient l’ampleur des énièmes dispositions proposées,
il tombe sous le sens que s’obstiner à écoper la voie d’eau ouverte par le
terrorisme en gesticulant à contretemps sans fermer le robinet qui l’alimente
sera un nouveau coup d’épée dans l’eau. L’histoire et la géopolitique que nos
classes politiques et médiatiques s’acharnent à proscrire au motif qu’elles ne
sont pas philanthropiques doivent reprendre leur place dans l’art du
gouvernement sans quoi au lieu de faire reculer le terrorisme nos pseudo-élites
continueront à nourrir son cercle vicieux.
Michel Leter
Cet article est l’adaptation d’une chronique datant de 1997, intitulée, « Le poids des photos, le choc des civilisations » et publié dans notre recueil de chroniques des années 90 Tout est culture en octobre 2015 aux éditons Les Belles Lettres.
[1] Voir la note 246.
[2] Abd-al Wahhâb Mohammad ibn, op. cit., chapitre 12.
[3] Idem, chapitre 37.
[4] Idem, chapitre 14.
[5] Idem, chapitre 21.
[6] Benoist-Méchin Jacques, Ibn-Séoud ou la naissance d’un royaume, Paris,
Albin Michel, 1955, p. 87
[7] Lamartine, Alphonse de, Voyage en Orient in Œuvres de Lamartine t. 2, Bruxelles, société belge de librairie,
1840, p. 580
[8] Idem.
[9] Ibid.
[10] Les ancêtres de
l’islamisme, c’est-à-dire la génération du Prophète et les deux générations qui
suivent dont les salafistes (euphémisme de wahhabites) prétendent se réclamer,
tout en détruisant leurs monuments.
[11] La communauté
des croyants.
[12] Idem.
[13] Benoit-MÉchin Jacques, op. cit., p. 88.